Réforme des retraites : changement de cap présidentiel

L’interview du 16 décembre du Président de la Ré- publique par TF1 et LCI ne semble pas annoncer autre chose qu’une inattendue remise en cause de l’architecture du projet de réforme discuté et voté par l’Assemblée Nationale en juillet 2020. (…) Jugeons-en nous-mêmes : (…) ce n’est plus à une réforme« universelle » que nous avons affaire, mais à trois réformes : une pour le secteur privé, une pour la Fonction publique, une pour les Indépendants. « L’impératif d’une réforme des 42 régimes » est néan- moins « maintenu », mais avec segmentation des 42 régimes en trois grandes parties. Le « fameux » dogme du « chaque euro cotisé a la même valeur pour tous » semble avoir vécu.

Le Président (…) trouve cette solution « trop anxio- gène » (…). Il est vrai que tenter de faire converger les régimes à 4 mois de l’élection présidentielle serait tout simplement impossible même en promettant de la progressivité dans l’exécution réelle du plan. Le Chef de l’État avait certes déjà expliqué dans son allocution du 9 novembre qu’il faudrait mener ce chantier « dès 2022 », « pour préserver les pensions de nos retraités », mais sans parler de calendrier. Sans noter non plus que le système actuel est loin de « préserver » les pensions. La réforme Balladur de 1993, abandonnant l’indexation sur les salaires pour une indexation sur les prix, a considérablement appauvri les retraités, continue de le faire et conti- nuera encore si rien n’est changé. Puisque notre mis- sion est de défendre le pouvoir d’achat des retraités, nous attirerons l’attention du Chef de l’État sur ce problème “salaires vs prix” dont la Commission Tou- rol / Blanchard estime qu’un retour aux salaires serait préférable (…).

« Anxiogène » traduit peut-être une conscience aigüe de la difficulté de rapprocher les différents régimes actuels dans un délai raisonnable, (…) un système de retraites depuis assez longtemps dans le collimateur de Bruxelles en raison de son coût jugé exorbitant par rapport à celui des autres États européens. La pression européenne à ce sujet risque de ne pas

décroître si rien ne change pendant les 6 mois de présidence française dès le 1er janvier. (…) L’OCDE n’est pas non plus en reste pour mettre la pression sur la France.

(…) la Cour des comptes insiste à son tour sur « l’inévitabilité de reculer l’âge de départ ou de baisser les pensions » tout en soulignant aussi la nécessité de veiller sur le sort des carrières courtes et des bas salaires.

(…)
Parmi les sujets phares auxquels nous ne pouvons que penser, celui de l’âge de départ à la retraite ne tient qu’en quelques mots dans l’interview: « Aujourd’hui, il est clair qu’il nous faut travailler plus longtemps » sans précision de l’âge souhaité pour l’ouverture des droits, mais ajoutant qu’il y aura des départs anticipés dans certaines professions citées à titre d’exemples : « conducteurs de poids lourds », « manutentionnaires », « travailleurs à la chaîne » dont la tâche est pénible et l’espérance de vie inférieure à la moyenne.
E. Macron appelle également à « repenser le travail des seniors » afin qu’ils puissent rester en poste plus longtemps. (…) les Français ont une durée de car- rière de 35,4 ans contre 39,1 en Allemagne et 42 ans en Suède.
Autre instruction du Chef de l’État : « Nous devons simplifier nos règles », « cela impliquant la sortie des régimes spéciaux et celle des spécificités qui avaient produit des inégalités au fil du temps ». En fait ce n’est pas la complexité de certaines règles qui, à elle seule, légitimerait la suppression des régimes spé- ciaux, c’est bien davantage ces inégalités qu’ils ont générées au fil du temps et que la CFR va classer par ordre d’importance inégalitaire en préparation des questions à poser aux candidats à la présidence. Vous l’avez compris, nous serons très attentifs aux précisions qu’E. Macron apportera à l’expression type premier jet de sa conception de la future ré- forme des retraites. Ces précisions seront indispen- sables pour mieux expliciter nos réactions et lui en faire part de façon constructive. (…)
À vous, amis lectrices et lecteurs fidèles d’Au Fil des Jours, je présente mes voeux sincères d’une santé 2022 sans virus et d’espoir dans tous les domaines qui vous sont chers.

Pierre Lange

Nota CNRM : Cela concerne uniquement le régime de base du Régime Général, ce n’est ni une déclaration ferme ni un programme.